« Nos régimes peuvent être dits démocratiques, mais nous ne sommes pas gouvernés
démocratiquement. C'est le grand hiatus qui nourrit le
désenchantement et le désarroi contemporains. » En deux
phrases, Pierre Rosanvallon cerne dans son dernier ouvrage intitulé
Le bon gouvernement le problème politique majeur de notre
époque. Comment le citoyen ne peut-il pas se sentir oublié voire
méprisé quand non seulement la voie des urnes le laisse sans voix, quand ses
attentes, ses espoirs de changement se trouvent trahis par ses
représentants mais aussi lorsque le pouvoir exécutif dysfonctionne dans son action gouvernementale ? Le problème n'est plus seulement alors de simple représentativité. Le régime démocratique français étant passé d'un modèle parlementaire-représentatif à un modèle présidentiel-gouvernant, de nouvelles difficultés s'ajoutent désormais aux précédentes : elles concernant cette fois le mal-gouvernement. Face à ce défaut de démocratie des régimes démocratiques (le mal-gouvernement côté pouvoir exécutif combiné à la mal-représentation côté pouvoir législatif), le citoyen est en droit de s'indigner. Toutefois, si une saine défiance est toujours nécessaire pour
dénoncer les abus de pouvoir et les trahisons, la défiance radicale
et totale à l'égard de tout pouvoir et de toute autorité - défiance qui fait l'objet d'une tentation chez certains - conduit on le sait aux pires excès. Les populismes et les fascismes de tout bord ont
alors beau jeu de tirer parti du pitoyable spectacle médiatico-politique. Par
un discours catastrophiste qui attise les peurs et entretient en
permanence le discrédit à l'égard de ceux qui nous gouvernent et
sont censés nous représenter, les forces réactionnaires et
anti-républicaines séduisent de plus en plus, des plus ignorants
aux plus « savants ». N'avons-nous réellement pour
solution au problème actuel que le salut promis par l'extrême
droite et sa victoire déjà annoncée, martelée, voire soutenue par des médias complaisants aux prochaines échéances électorales ? Préférant au
fatalisme et à la résignation, au fascisme et au populisme, le
courage de la réflexion et de l'action, les citoyens n'ont-ils pas
le devoir de repenser le mode de fonctionnement de nos régimes
démocratiques ? Au delà du diagnostic, et pour ne pas se limiter à une
expertise sans fin des dysfonctionnements de la démocratie, ne
convient-il pas de mobiliser de toute urgence l'ensemble des énergies
citoyennes pour faire changer les choses ? L'innovation sociale
et démocratique ne peut attendre les décisions de nos gouvernants
et, puisque ceux-ci tardent à se réformer eux-mêmes, n'est-il pas
temps plus que jamais de prendre en main l'avenir démocratique ?
Il s'agit de mobiliser selon l'expression de Cynthia Fleury notre
citoyenneté capacitaire. D'abord en exerçant notre vigilance à l'égard du pouvoir, en exigeant le parler-vrai, la lisibilité, l'écoute et la réelle prise en compte des consultations citoyennes, en réclamant un monde politique ouvert et responsable. Et puis en s'investissant activement dans les secteurs qui vivront mieux de notre participation active, jugeant que
si nos gouvernants ne font rien, alors personne ne le fera à notre
place. Environnement, services publiques, santé, école, entreprises
et économie appellent une implication active et renouvelée de
chacun pour qu'aux paroles et à la discussion se joignent des actes
qui contribueront au mieux être social, au combat de la misère et
la réduction des inégalités, à la lutte réelle contre les
privilèges de toute sorte, la pleonexia qui nous fait oublier
le sens de la solidarité et du partage, le sort des générations
futures. On a sans doute gravement omis d'éduquer le citoyen à ce
sens aigu de la responsabilité et de l'engagement. Il aurait sans
doute fallu pour cela que l'on cesse de voir en lui un simple
consommateur et rouage remplaçable de la machine socio-économique.
On ne peut que mesurer l'ampleur de la tâche.
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